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peaux de castor et une grande quantité de peaux de buffle pour du rhum. » Les maladies, les vols, les meurtres, ne manquent point de suivre ces excès. Un jour, deux sauvages se déchirent la figure avec leurs ongles, et se coupent le nez avec les dents ;[1] une autre fois, un Indien[2] égorge sans le savoir un de ses hôtes.

Les misères, qui sont la suite de semblables désordres, au lieu de retenir les indiens, les poussent avec plus de force vers l’abîme. Jusque-là, dit Tanner, ma mère adoptive s’était abstenue de boire des liqueurs fortes ; mais accablée par ses chagrins et ses malheurs, elle finit par contracter cette funeste habitude.

J’ai montré, en parlant du gouvernement chez les Indiens des temps antérieurs, que, parmi toutes les nations du continent, il existait des pouvoirs politiques et réguliers. On voyait des monarchies au Sud, des républiques au Nord ; partout se montrait une puissance publique plus ou moins bien organisée ; et c’était avec justice que John Smith disait : « Ces Indiens sont barbares ; cependant, ils témoignent souvent à leurs magistrats plus d’obéissance que les peuples civilisés. »

Aujourd’hui les choses ont bien changé ; la plupart des nations du Sud sont encore soumises à un chef unique,[3] mais son autorité est souvent méconnue.

La chaîne des traditions sur lesquelles elle se fondait étant interrompue, les coutumes qui lui servaient d’appui ayant été modifiées, les hommes sur lesquels elle s’exerçait étant plus épars et plus nomades que jadis, à une servile obéissance a succédé un esprit d’indépendance sauvage qui ne saurait rien fonder que le désordre. An Nord, le mal est plus grand encore ; les monarchies absolues ont une force qui leur est propre ; l’autorité s’y soutient elle-même longtemps encore après que son prestige a disparu. Mais quand le désordre commence à s’introduire au sein d’une

  1. V. Tanner, p. 164.
  2. V. ibid., 242.
  3. V. Voyages du major Long, to the rocky Mountains, première expédition, t. I, p. 223 et 228. L’organisation des tribus du Sud et du Nord diffère entièrement, disent MM. Lewis et Clarke. Chez les premières, l’autorité est dans les mains du petit nombre ; chez les secondes, de la majorité.