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comme sous tous les autres, les Indiens sont devenus beaucoup plus barbares que ne l’étaient leurs pères.

La trace de la religion ne se reconnaît plus guère chez eux qu’à des superstitions incohérentes suscitées par le sentiment présent, le besoin du moment. Un Indien est-il malade, il s’imagine qu’on lui a jeté un sort, et il envoie des présents au prétendu sorcier pour obtenir qu’il le laisse vivre.[1] Un Indien a faim, et il prie le grand esprit de lui montrer en songe le lieu où se trouve le gibier. Il compose une image de l’animal qu’il veut tuer, et, après avoir fait des conjurations, il la perce d’un instrument aigu. Les peuples n’ont plus de prêtres, mais des devins, et ils ne s’en servent guère qu’en cas de maladie ou de famine.[2]

J’ai dit que le genre de vie que menaient les indigènes de l’Amérique du Nord devait nécessairement les empêcher de faire des progrès considérables dans les arts. Les Indiens dont je parlais dans la première partie de cette note étaient cependant parvenus à élever d’assez grands édifices. Il régnait quelquefois parmi eux un luxe barbare qui attestait de l’aisance et du loisir ; il n’en est plus de même aujourd’hui. « Il n’y a pas bien long-temps encore, disent MM. Clark et Cass, on voyait quelquefois des Indiens porter des robes de castor, mais pareille chose est maintenant inconnue. La valeur échangeable d’un pareil vêtement procurerait au sauvage qui en serait possesseur de quoi habiller toute sa famille. » En voyant les Indiens de nos jours revêtus d’étoffes de laine et pourvus de nos armes, on est tenté de croire au premier abord que la civilisation commence à pénétrer parmi ces barbares ; c’est une erreur : tous ces objets sont de fabrique européenne, ils attestent la perfection de nos arts sans rien apprendre sur les arts des Indiens. Ceux-ci, dans ce qu’ils produisent eux-mêmes, sont inférieurs à leurs aïeux ; en devenant plus nomades et pins pauvres, ils ont perdu le goût des constructions étendues et durables. Le sauvage établit à la hâte une sorte de tanière, et pourvu qu’elle lui fournisse un asile passager contre la rigueur des saisons, il est content.

  1. V. Tanner, p. 165.
  2. V. ibid., 285.