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assez de prix à leurs yeux. Pour qu’ils se rendent coupables d’un larcin. » (V. p. 65 et 89.)

Cependant il n’en est pas toujours ainsi ; on rencontre souvent, dans les déserts de l’Amérique comme dans nos pays civilisés, un accueil inhospitalier que jadis on n’aurait pas eu à y craindre. Les vols s’y multiplient ; l’excès des besoins enlève peu à peu aux indigènes jusqu’à ces simples et sauvages vertus qui découlaient naturellement de leur état social.

La religion forme le plus grand lien social qu’aient encore découvert les hommes. Les sauvages de nos jours ont conservé, sur l’existence de Dieu et sur l’immortalité de l’âme, quelques-unes des notions qu’avaient leurs pères ; mais ces notions deviennent de plus en plus confuses.[1] Ceci s’explique sans peine ; chez tous les peuples, mais particulièrement chez les peuples incivilisés, le culte forme comme la portion la plus substantielle et la plus durable de la religion.

Les Indiens qui vivaient il y a deux siècles avaient des temples, des autels, des cérémonies, un corps de prêtres. Les sauvages de nos jours n’ont ni le loisir ni le pouvoir de fonder des monuments, ni de créer des institutions permanentes ; ils ne vivent pas assez long-temps dans le même lieu, ni en assez grand nombre, pour adopter le retour périodique de certaines cérémonies, ni faire le choix de certaines prières. L’homme, d’ailleurs, pour s’occuper des choses de l’autre monde, a besoin de jouir dans celui-ci d’une certaine tranquillité de corps et d’esprit ; or, de nos jours cette tranquillité de corps et d’esprit manque absolument aux sauvages : sous ce rapport

  1. Les Dacotas croient qu’après leur mort leurs âmes vont au Tébé, séjour des morts. Pour y arriver, elles ont à passer sur un rocher dont le tranchant est aussi fin que celui d’un couteau. Ceux qui ne peuvent y marcher droit et tombent vont dans la région du mauvais esprit, où ils sont constamment occupés à ramasser du bois et à porter de l’eau, recevant les plus durs traitements d’un maître cruel. Au contraire, ceux qui passent le rocher sans encombre font un long voyage durant lequel ils parcourent tous les lieux habités par les âmes de ceux qui les ont précédés ; ils y rencontrent des feux près desquels ils se reposent ; enfin ils arrivent à la demeure du grand esprit. Là sont les villages des morts ; là se trouvent des esprits qui leur indiquent la résidence de leurs amis et de leurs parents, auxquels on les réunit. Leur vie se passe doucement et dans le plaisir ; ils chassent le buffle, plantent et recueillent le maïs.