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parmi les indigènes de l’Amérique ; à peine si l’on en rencontre quelques faibles traces. Des Indiens qui habitaient le vaste espace compris aujourd’hui dans les limites des établissements européens, les uns sont morts de faim et de misère, les autres ont reculé et se sont dispersés au loin, toujours suivis par la civilisation qui les presse. Parmi ces sauvages, restes mutilés d’un peuple autrefois puissant, plusieurs errent au hasard dans les déserts ; réduits à l’individu ou à la famille, ils se croient libres de tous devoirs envers leurs semblables dont ils n’attendent aucun secours ; d’autres se sont incorporés aux nations qu’ils ont trouvées sur leur passage, mais dont ils ne partagent ni les usages, ni les opinions, ni les souvenirs. Chez ces nations elles-mêmes, que le contact des Européens n’a pas encore détruites ou forcées à fuir, le lien social est relâché. La misère a déjà forcé les hommes qui les composent à s’écarter les uns des autres pour trouver plus facilement le moyen de soutenir leur vie ; le besoin a affaibli dans leur cœur ce sentiment de la patrie qui, comme tous les autres sentiments, a besoin, pour se produire d’une manière durable, de se combiner avec une sorte de bien-être. Poursuivis chaque jour par la crainte de mourir de faim et de froid, comment ces infortunés pourraient-ils s’occuper des intérêts généraux de leur pays ? Que devient l’orgueil national chez un misérable qui périt dans les angoisses de la pauvreté ?[1]

La même cause, qui affaiblissait chez les Indiens l’amour de la patrie, a altéré les coutumes, dénaturé tous les sentiments, modifié toutes les opinions.

Nous avons vu quel culte touchant les sauvages qui vivaient il y a deux siècles rendaient aux morts, de quelle vénération superstitieuse ils environnaient leur cendre ; il n’y a rien qui introduise plus de moralité parmi les hommes et prépare mieux à la civilisation que le respect des morts : le souvenir de ceux qui ne sont plus ne manque jamais d’exercer une grande et utile influence sur les actions de ceux qui vivent encore. Les aïeux forment comme une génération d’hommes plus parfaits, plus grands que celle qui nous environne, et en

  1. On voit dans Tanner que les Indiens s’associent dans le but de chasser bien plus que par l’effet d’un esprit national.