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filles, à supporter une abstinence rigoureuse. On les y encourage en intéressant leur amour-propre à s’y essayer. « Pouvoir supporter un long jeûne, dit-il, est une distinction fort enviée. » La religion elle-même consacre le jeûne ; c’est dans les rêves d’un homme à jeun que se rencontre l’avenir. De tels usages, de semblables opinions, de pareilles mœurs, parlent d’elles-mêmes et me dispensent d’ajouter rien de plus.

C’est dans ces affreuses misères qu’il faut chercher la cause presque unique des révolutions morales et politiques qui se sont opérées parmi les indigènes de l’Amérique du Nord. C’est en rendant l’Indien mille fois, plus malheureux que ses pères que les Européens l’ont fait autre qu’il n’était.

J’ai montré que, si les sauvages ne tenaient point au sol comme le font les cultivateurs, l’amour de la patrie n’était point cependant inconnu à ces peuples barbares ; mais seulement ils le dirigeaient sur moins d’objets. Ce sentiment leur étant plus nécessaire encore qu’aux autres hommes, produisait chez eux, comme partout. ailleurs, d’admirables effets.

Les habitudes de chasse tendent à isoler l’individu de ses semblables, à réduire la société à la famille, et, en arrêtant les communications des hommes, à détruire la civilisation dans son germe. L’attachement que les Indiens portaient à leurs tribus tendait au contraire à rapprocher un grand nombre d’entre eux les uns des autres, et leur permettait de mettre en concurrence le peu de lumières que leur genre de vie leur laissait acquérir. Cet instinct de la patrie ne tendait pas moins à développer le cœur de ces sauvages que leur intelligence ; il substituait une sorte d’égoïsme plus large et plus noble à l’égoïsme étroit que l’intérêt privé fait naître. Nous avons vu de quelles sublimes vertus il a quelquefois été la source. Les Indiens ainsi réunis exerçaient d’ailleurs les uns sur les autres le contrôle de l’opinion publique ; contrôle toujours salutaire, même au sein d’une société ignorante et corrompue ; car la majorité des hommes, quels que soient ses éléments, a toujours le goût de ce qui est honnête et juste.

Aujourd’hui l’esprit national n’existe pour ainsi dire plus