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donne solennellement le nom de celui qu’il remplace, et dont il acquiert dès-lors tous les droits et contracte toutes les obligations. »

Il se joignait même quelquefois aux horreurs des supplices des scènes d’une inconcevable douceur ; mélange inouï que le cœur de ces sauvages extraordinaires pouvait seul comprendre. « Avant d’immoler les prisonniers, dit ce même Charlevoix, volume V, page 364, on leur fait faire la meilleure chère qu’il est possible ; on ne leur parle qu’avec amitié ; on leur donne les noms de fils, de frères ou de neveux, suivant la personne dont ils doivent par leur mort apaiser les mânes ; on leur abandonne même quelquefois des filles pour leur servir de femmes pendant tout le temps qui leur reste à vivre. On passe ensuite des plus tendres caresses aux derniers excès de la fureur.

Tous les peuples chasseurs et guerriers redoutent peu la mort et savent braver la douleur ; mais les Iroquois poussèrent le mépris de la vie à un point, et apportèrent dans les tourments une tranquillité stoïque une sorte d’insouciance héroïque dont l’antiquité elle-même ne nous a laissé aucun modèle. J’ai dit que les Iroquois faisaient souffrir à leurs prisonniers d’horribles tourments ; mais je renonce à peindre ceux qu’on leur faisait endurer à eux-mêmes, et le courage presque surnaturel qu’ils faisaient paraître au milieu des feux allumés pour les consumer. Tous ceux qui ont parlé de ce peuple, Anglais ou Français, s’accordent sur ce point ; tous citent des exemples nombreux à l’appui de leurs paroles.

« En 1696, les Français firent une excursion dans le pays des Iroquois. Les sauvages se retirèrent au fond des bois après avoir incendié leurs villages ; on ne put s’emparer que d’un vieillard âgé, dit-on, de plus de cent ans, qui n’avait pu fuir ou ne l’avait pas voulu ; car il paraît qu’il attendait la mort avec la même intrépidité que ces anciens Romains dans le temps de la prise de Rome par les Gaulois. On l’abandonna aux Indiens nos alliés. Jamais peut-être un homme ne fut traité avec plus de barbarie et ne témoigna plus de fermeté et de grandeur. Ce fut sans doute un spectacle bien singulier de voir plus de quatre cents hommes acharnés autour d’un vieillard décrépit, auquel ils ne purent arracher un soupir,