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en arracher le fruit qu’elles portaient ; ils mirent des enfants tout vivants à la broche et contraignirent les mères de les tourner pour les faire rôtir ; ils inventèrent quantité d’autres supplices inouïs, et deux cents personnes de tout âge et de tout sexe périrent ainsi, en moins d’une heure, dans les plus affreux tourments. (Charlevoix, page 404.)

Lorsqu’un prisonnier est livré à une femme qui a perdu l’un des siens à la guerre, celle-ci, avant d’ordonner le supplice, commence par invoquer l’ombre de celui dont elle veut venger la mort : « Approche-toi, lui dit-elle, tu vas être apaisée ; je te prépare un festin : bois à longs traits de cette boisson qui va être versée pour toi ! reçois le sacrifice que je te fais en immolant ce guerrier ; il sera brûlé et mis dans la chaudière ; on lui appliquera les haches ardentes, on lui enlèvera la chevelure, on boira dans son crâne ; ne fais donc plus de plaintes, tu seras parfaitement satisfaite. » (Charlevoix, page 364.)

En même temps que la nature sauvage est soumise à ces horribles passions qui font descendre les hommes au dernier rang parmi les créatures, quelquefois elle est sujette à d’admirables retours qui semblent élever l’homme au-dessus de lui-même : ces mêmes Iroquois n’étaient pas moins extraordinaires par leur générosité, leur douceur, leur grandeur d’âme et leur courage, que par leurs fureurs ; ils outraient toutes les vertus de la nature sauvage comme ses vices.

En 1787, un certain nombre d’Iroquois furent pris par les Français, qui les traitèrent avec une grande inhumanité. Lahontan, qui raconte ce fait (volume I, page 94), ayant reconnu parmi les captifs un homme qui avait été son hôte, offrit à ce dernier d’apporter des adoucissements à son sort ; mais le sauvage répondit qu’il ne voulait recevoir de nourriture ni de traitement plus doux que ses camarades : Les Cinq Villages nous vengeront, dit-il, et conserveront à jamais un juste ressentiment de la tyrannie qu’on exerce sur nous.

En 1687, le gouverneur du Canada fit passer le père Lamberville dans le pays des Iroquois pour engager ces sauvages à envoyer leurs principaux chefs dans la colonie, afin qu’on pût traiter avec eux. À peine les Indiens furent-ils arrivés au lieu du rendez-vous qu’on les chargea de fers, et on les envoya en France sur les galères. Cependant le père de Lamberville, qui ignorait à quelle trahison on l’avait fait