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se lèvent et se regardent face à face pendant cinq minutes, sans rien dire : puis, l’un des shakers sort des rangs, prend la parole, et, s’adressant au public, il explique l’objet de la cérémonie, qui est, dit-il, de glorifier le Seigneur, et il termine en invitant les spectateurs a ne pas rire de ce qu’ils vont voir et entendre.

À peine a-t-il achevé de parler que tous entonnent un hymne religieux avec des voix discordantes, et, tout en chantant, balancent leurs corps, secouent leurs mains, agitent leurs bras de la façon la plus étrange. Ces exercices durent environ une heure : pendant tout ce temps, ils se reproduisent sous la même forme avec quelques modifications.

Le lecteur sait que ces cris, ces balancements ont pour objet la gloire de Dieu, et que tous ces mouvements du corps sont excités par l’enthousiasme religieux. Or, en s’agitant, en chantant, les shakers s’échauffent de plus en plus ; leur exaltation s’accroît et se manifeste avec plus d’énergie… Alors on les voit danser pêle-mêle au milieu de clameurs violentes et de gestes désordonnés. Tantôt une douzaine d’hommes rangés en file et un même nombre de femmes paraissent diriger tous les autres : ils tiennent leurs mains levées à hauteur de la poitrine et les secouent sans relâche. Une autre fois on voit immobiles au milieu de la scène quinze ou vingt quakers autour desquels tous les autres dansent et chantent avec une incroyable ardeur : c’est le plus haut degré de l’inspiration.

Tout cela se fait gravement et avec une bonne foi au moins apparente. Sur plusieurs de ces têtes si follement agitées se montrent des cheveux blancs. Bien dans cette cérémonie burlesque ne fait rire, parce que tout fait pitié.

Tout-à-coup les cris cessent, les mouvements s’arrêtent ; au milieu d’un silence profond un vieillard paraît, et s’adressant aux spectateurs, il leur dit : « Un intérêt mondain, une vaine curiosité vous ont attirés en ce lieu ; puissiez-vous en rapporter de salutaires impressions ! Qui de vous peut se dire aussi heureux que nous le sommes ? Le bonheur n’est ni dans la richesse, ni dans les plaisirs des sens ; il consiste surtout dans la raison. Tout le monde s’agite vainement à