Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée

grandes villes une réunion de personnes éclairées dont la mission est d’examiner les aspirants. Celui qui se présente prononce un sermon, et l’assemblée lui délivre un certificat analogue à son succès ; en général, il obtient ce certificat dans les termes les plus favorables. Muni de cette pièce, il s’offre une congrégation religieuse qui a besoin de ministre, et qui aussitôt l’admet en cette qualité ; quelquefois même on ne lui demande aucune justification ; il annonce une grande piété et un zèle ardent pour la religion, lève les yeux au ciel en se frappant la poitrine, et, sur ces démonstrations qui ne sont pas toujours sincères, la réunion des particuliers qui veulent avoir un prédicateur le déclarent ministre.

Cette facilité d’arriver au sacerdoce parmi les Américains imprime au ministère protestant un cachet particulier ; il en résulte que tout individu peut, sans aucune préparation ni étude préalable, se faire homme d’église. Le ministère religieux devient une carrière dans laquelle on entre à tout âge, dans toute position et selon les circonstances. Tel que vous voyez à la tête d’une congrégation respectable a commencé par être marchand ; son commerce étant tombé, il s’est fait ministre ; cet autre a débuté par le sacerdoce, mais dès qu’il a eu quelque somme d’argent à sa disposition, il a laissé la chaire pour le négoce. Aux yeux d’un grand nombre, le ministère religieux est une véritable carrière industrielle. Le ministre protestant n’offre aucun trait de ressemblance avec le curé catholique. En général, celui-ci se marie à sa paroisse ; sa vie tout entière se passe au milieu des mêmes personnes, sur lesquelles il exerce non-seulement l’influence de son caractère sacré, mais encore l’ascendant de ses vertus ; il ne fait point un métier : il accomplit un devoir. — L’existence du ministre protestant est au contraire essentiellement mobile : rien ne l’enchaîne dans une congrégation, dès que son intérêt l’appelle dans une autre ; il appartient de droit à la communauté qui le paie le mieux. Comme je traversais le Canada, où la religion catholique est dominante, on me cita l’exemple d’un curé qui, ne voulant point se séparer de ses paroissiens, venait de refuser l’épiscopat ; plus d’un ministre méthodiste on anabaptiste abandonnerait bientôt son église s’il y avait cent dollars de plus à gagner dans une autre.