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il rencontre partout des obstacles et nulle part des appuis. Aussi la domesticité est-elle la condition du plus grand nombre des nègres libres.

Dans la vie politique, la séparation est encore plus profonde. Quoique admissibles en principe aux emplois publics, ils n’en possèdent aucun ; il n’y a pas d’exemple d’un nègre ou d’un mulâtre remplissant aux États-Unis une fonction publique. Les lois des États du Nord reconnaissent en général aux gens de couleur libres des droits politiques pareils à ceux des blancs ; mais nulle part on ne leur permet d’en jouir. Les gens de couleur libres de Philadelphie ayant voulu, il y a quelque temps, exercer leurs droits politiques à l’occasion d’une élection, furent repoussés avec violence de la salle où ils venaient pour déposer leurs suffrages, et il leur fallut renoncer à l’exercice d’un droit dont le principe ne leur était pas contesté. Depuis ce temps, ils n’ont point renouvelé cette prétention si légitime. 11 est triste de le dire, mais le seul parti qu’ait à prendre la population noire ainsi opprimée, c’est de se soumettre et de souffrir la tyrannie sans murmure. Dans ces derniers temps, des hommes animés de l’intention la plus pure et des sentiments les plus philantropiques ont tenté d’arriver à la fusion des noirs avec les blancs, par le moyen des mariages mutuels. Mais ces essais ont soulevé toutes les susceptibilités de l’orgueil américain et abouti à deux insurrections dont New-York et Philadelphie furent le théâtre au mois de juillet 1834. Toutes les fois que les nègres affranchis manifestent l’intention directe ou indirecte de s’égaler aux blancs, ceux-ci se soulèvent aussitôt en masse pour réprimer une tentative aussi audacieuse. Ces faits se passent pourtant dans les États les plus éclairés, les plus religieux de l’Union, et où depuis long-temps l’esclavage est aboli. Qui douterait maintenant que la barrière qui sépare les deux races ne soit insurmontable ?

En général, les nègres libres du Nord supportent patiemment leur misère : mais croit-on qu’ils se soumissent à tant d’humiliations et à tant d’injustices s’ils étaient plus nombreux ? Ils ne forment dans les États du Nord qu’une minorité imperceptible. Qu’arriverait-il, s’ils étaient, comme dans le Sud, en nombre ou supérieur aux blancs ? Ce qui de