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de remarque, c’est que plusieurs de ces États consacrent dans leurs lois l’infériorité des noirs.

On conçoit aisément que, dans les États à esclaves, les nègres affranchis ne soient pas traités entièrement comme les hommes libres de couleur blanche ; ainsi on lira sans étonnement cet article d’une loi de la Louisiane, qui porte :

« Les gens de couleur libres ne doivent jamais insulter ni frapper les blancs, ni prétendre s’égaler à eux ; au contraire, ils doivent leur céder le pas partout, et ne leur parler ou leur répondre qu’avec respect, sous peine d’être punis de prison, suivant la gravité des cas. »[1]

On ne sera pas plus surpris de voir prohibé dans les États à esclaves tout mariage entre des personnes blanches et gens de couleur libres ou esclaves.[2]

Mais ce qui paraîtra peut-être plus extraordinaire, c’est que, même dans les États du Nord, le mariage entre blancs et personnes de couleur ait été pendant long-temps interdit par la loi même. Ainsi, la loi de Massachusetts déclarait nul un pareil mariage et prononçait une amende contre le magistrat qui passait l’acte.[3] Cette loi n’a été abolie qu’en 1830.

Du reste, lorsque la défense n’est pas dans la loi, elle est toujours la même dans les mœurs ; une barrière d’airain est toujours interposée entre les blancs et les noirs.

Quoique vivant sur le même sol et dans les mêmes cités, les deux populations ont une existence civile distincte. Chacune a ses écoles, ses églises, ses cimetières. Dans tous les lieux publics où il est nécessaire que toutes deux soient présentes en même temps, elles ne se confondent point ; des places distinctes leur sont assignées. Elles sont ainsi classées dans les salles des tribunaux, dans les hospices, dans les prisons. La liberté dont jouissent les nègres n’est pour eux la source d’aucun des bienfaits que la société procure. Le même préjugé qui les couvre de mépris leur interdit la plupart des professions. On ne saurait se faire une idée exacte des difficultés que doit vaincre un nègre pour faire sa fortune aux États-Unis ;

  1. V. Digeste des lois de la Louisiane, t. I, p. 231.
  2. V. Statute laws of Tennessee, t. I, p. 220.
  3. V. General laws of Massachusetts, t. I, p. 259.