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admettre qu’intéressés aujourd’hui à conserver l’esclavage, ils aient un jour intérêt à l’abolir ? J’ai la ferme persuasion que tôt ou tard cette abolition aura lieu, et j’ai dit plus haut les motifs de ma conviction ; mais je crois également que l’esclavage durera long-temps encore dans le Sud ; et, à cet égard, il me parait utile de résumer les différences matérielles qui rendent impossible toute comparaison entre l’avenir du Sud et ce qui s’est passé dans le Nord.

Il est incontestable que le froid des États du Nord est contraire à la race africaine, tandis que la chaleur des pays du Sud lui est favorable ; dans les premiers elle languit et décroît, tandis qu’elle prospère et multiplie dans les seconds.

Ainsi la population noire, qui tendait naturellement à diminuer dans les États où l’esclavage est aboli, trouve, au contraire, dans le climat des pays méridionaux, où sont aujourd’hui les esclaves, une cause d’accroissement.

Dans le Nord, l’esclavage était évidemment nuisible au plus grand nombre ; les habitants du Sud sont encore dans le doute s’il ne leur est pas nécessaire. L’esclavage dans le Nord n’a jamais été qu’une superfluité ; il est, au moins jusqu’à présent, pour le Sud, une utilité. Il était, pour les hommes du Nord, un accessoire ; il se rattache, dans le Sud, aux mœurs, aux habitudes et à tous les intérêts. En le supprimant, les États libres n’ont eu qu’une loi à faire ; pour l’abolir, les États à esclaves auraient à changer tout un état social.

L’activité, le goût des hommes du Nord pour le travail, le zèle religieux des presbytériens de la Nouvelle-Angleterre, le rigorisme des quakers de la Pensylvanie, et aussi une civilisation très-avancée, tout dans les États septentrionaux tendait à repousser l’esclavage. Il n’en est point de même dans le Sud ; les États méridionaux ont des croyances, mais non des passions religieuses ; plusieurs d’entre eux, tels qu’Alabama, Mississipi, la Géorgie, sont à demi barbares, et leurs habitants sont, comme tous les hommes du Midi, portés par le climat à l’indolence et à l’oisiveté. Ainsi l’esclavage n’est, jusqu’à présent, combattu dans le Sud par aucune des causes qui, dans le Nord, ont amené sa ruine.

Les États du Sud sont donc loin encore de l’affranchissement des nègres.