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d’humanité que de logique. À mon sens, il faut abolir l’esclavage ou le maintenir dans toute sa dureté.

L’adoucissement qu’on apporte au sort de l’esclave ne fait que rendre plus cruelles à ses yeux les rigueurs qu’on ne supprime pas ; le bienfait qu’il reçoit devient pour lui une sorte d’excitation à la révolte. À quoi bon l’instruire ? est-ce pour qu’il sente mieux sa misère ? ou afin que son intelligence se développant, il fasse des efforts plus éclairés pour rompre ses fers ? Quand l’esclavage existe dans un pays, ses liens ne sauraient se relâcher sans que la vie du maître et de l’esclave soit mise en péril : celle du maître, par la rébellion de l’esclave ; celle de l’esclave, par le châtiment du maître.

Toutes les déclamations auxquelles on se livre sur la barbarie des possesseurs d’esclaves, aux États-Unis comme ailleurs, sont donc peu rationnelles. Il ne faut point blâmer les Américains des mauvais traitements qu’ils font subir à leurs esclaves, il faut leur reprocher l’esclavage même. Le principe étant admis, les conséquences qu’on déplore sont inévitables.

Il en est d’autres qui, voulant excuser la servitude et ses horreurs, vantent l’humanité des maîtres américains envers leurs nègres ; ceux-ci manquent pareillement de logique et de vérité. Si le possesseur d’esclaves était humain et juste, il cesserait d’être maître ; sa domination sur ces nègres est une violation continue et obligée de toutes les lois de la morale et de l’humanité.

L’esclavage américain, qui s’appuie sur la même base que toutes les servitudes de l’homme sur l’homme, a pourtant quelques traits particuliers qui lui sont propres.

Chez les peuples de l’antiquité, l’esclave était plutôt attaché à la personne du maître qu’à son domaine ; il était un besoin du luxe, et une des marques extérieures de la puissance. L’esclave américain, au contraire, tient plutôt au domaine qu’à la personne du maître ; il n’est jamais pour celui-ci un objet d’ostentation, mais seulement un instrument utile entre ses mains. Autrefois l’esclave travaillait aux plaisirs du maître autant qu’à sa fortune. Le nègre ne sert jamais qu’aux intérêts matériels de l’Américain.