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Le voyageur s’approchait timidement. — Dieu me garde, dit-il au solitaire, de troubler votre retraite ! — Soyez le bienvenu, répondit avec politesse l’habitant du désert.

Ce peu de mots avaient prouvé à l’un et à l’autre qu’ils étaient Français, et une douce émotion était descendue dans leurs âmes ; car c’est une grande joie pour l’exilé de retrouver la voix de la patrie sur la terre étrangère.

Le solitaire prend le voyageur par la main, le conduit dans une petite cabane voisine de la chaumière et construite plus simplement que celle-ci ; là, il le fait asseoir, l’engage à se reposer quelque temps, lui sert un frugal repas et lui donne tous les soins d’une hospitalité bienveillante.

L’habitant de la forêt ressentait une joie réelle de la présence du voyageur ; cependant il redevenait de temps en temps sombre et pensif.... Tout annonçait qu’il avait dans l’âme de tristes souvenirs qui sommeillaient quelquefois, mais dont le réveil était toujours douloureux.

Les deux Français parlèrent d’abord de la France, et bientôt ils conversèrent ensemble comme deux amis.

— Qui peut vous amener dans ce désert ? dit le solitaire au voyageur.

le voyageur.

Je cherche une contrée qui me plaise… Je viens de parcourir un pays qui me semble charmant… Oh ! j’ai vu de beaux lacs, de belles forêts, de belles prairies !…

le solitaire.

Mais où allez-vous ?

le voyageur.

Je ne sais pas encore. Cette solitude me remplit d’émotions… je n’en ai point encore vu qui me séduise autant ; la vie doit s’écouler douce et paisible dans ce lieu. Je serais tenté de m’y arrêter.

le solitaire.

Dans quel but ?

le voyageur.

Mais pour y demeurer…

le solitaire.

Quoi ! vous renonceriez à la France ? pour toujours ! pour vivre en Amérique ! Y avez-vous bien songé ?