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s’est purifiée dans les parfums d’un livre religieux… En lui remettant ce témoignage de mon souvenir, rappelle-lui que la religion est le seul bien qu’on n’enlève point aux malheureux…

« Et toi, mon bien-aimé, me dit-elle en s’efforçant de se tourner vers moi et me faisant signe d’approcher ma main de la sienne, que te laisserai-je en mémoire de moi ? Hélas ! rien que des douleurs Pourquoi t’imposerai-je des souvenirs funestes ?… Notre attachement ne te rappelle que des malheurs, hélas ! sans compensation ! Pour moi, tu as sacrifié le monde, ses avantages, ses plaisirs. Si du moins j’avais eu quelques années, quelques jours seulement pour entourer ta vie de tendres soins, de dévouement, et mériter ta pitié à force d’amour ! ! O mon ami !… Mais non… Je ne t’ai donné que des chagrins amers, depuis le jour où, en te découvrant ma naissance, j’ai fait retomber sur toi le reflet de ma honte, jusqu’à ce moment suprême où je t’attriste par le spectacle de mes dernières douleurs…

« Faut-il donc que mon infortune te suive après que je ne serai plus !… Ah ! prends garde à l’influence de ma destinée : ma mémoire te serait fatale encore pour être heureux, il te faut d’abord m’oublier… »

Elle fit une pause de quelques instants… puis, fixant sur moi un regard touchant : « Mon ami, reprit-elle, tu vas me trouver bien faible devant ma dernière heure mais, je t’en supplie, dis-moi encore une fois que tu m’aimais tendrement et que tu me pardonnes. Je te demande comme une grâce ces assurances d’amour qu’autrefois je n’eusse point provoquées… C’est que, vois-tu, je vais mourir, et dans quelques instants ma vie ne pèsera plus sur la tienne… Mourir en entendant ta voix me dire ton amour ! oh ! cette pensée me donne des forces pour franchir le passage terrible de la vie au tombeau. Tu me vois faible, consumée, languissante ;… mais sais-tu, Ludovic, que mon cœur n’a rien perdu de sa puissance d’aimer !…

« Tiens, me dit-elle, encore un peu d’indulgence pour ta pauvre amie… Je t’en conjure, approche-toi près de moi… Mon Dieu, je te désole, dit-elle en voyant couler mes larmes ;