Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée

m’inclinai vers Marie, et mes lèvres avant rencontré ses douces lèvres, je demeurai attaché à cette coupe de miel et de délices. Bonheur silencieux ! ravissante extase ! volupté du ciel, et pourtant incomplète… car un vent brûlant passait sur mon âme et y allumait d’impétueux désirs ! Confiante dans mon amour, la vierge pure ne pensait point à me résister… Alors un combat terrible s’engagea dans le fond de mon cœur. Mille flammes ardentes le dévoraient, et mon sang se précipitait bouillant dans mes veines…O ma bien-aimée ! la beauté même qui m’inspirait ces transports, et ton innocence qui rendait ma victoire si facile, me sauvèrent d’une faiblesse et d’un remords. Dans cet instant d’égarement et de fascination, au milieu de cet éblouissement qui s’empara de tout mon être, tu m’apparus, vision charmante, dessinée dans mon imagination sur un ciel bleu parmi des images roses ; tu m’apparus, créature enchantée sous les traits immatériels qu’on prête aux génies célestes, c’était toujours toi, Marie ; mais toi, plus belle encore, plus séduisante de grâce, de candeur et de pureté. Je te voyais à travers le voile transparent d’un avenir de quelques jours dans notre asile fortuné de Saginaw, au milieu d’une nature encore plus riche, dans une solitude encore plus aimante ; devenue mon épouse chérie, tu reposais sur mon cœur, enlacée dans mes bras, me prodiguant sans trouble mille tendres caresses que je recevais sans remords… et je frémis en songeant que j’allais tacher cette blanche fleur, lui ravir son parfum d’innocence, infecter de vices et d’amertume la source pure d’une délicieuse félicité ! Je ne pensais point à Nelson, à ses conseils, à la honte de trahir sa confiance ; ô mon amie ! le ciel m’est témoin qu’en m’arrachant de tes bras où je mourais de bonheur, je ne cédai qu’à notre amour !

En ce moment, un bruit confus frappa mon oreille des voix d’hommes, des hennissements de chevaux, des aboiements de chiens, se faisaient entendre. Bientôt nous aperçûmes une troupe d’Indiens qui venaient vers nous en suivant le sentier que nous avions parcouru. Mon premier mouvement fut un sentiment de crainte : quels étaient ces Indiens ? d’où venaient-ils ? comment se trouvaient-ils entre nous et le village que nous avions quitté le matin même ! Notre guide était-il sincère ?