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marcher vers l’Ouest et traverser de vastes contrées. Le désert est loin aujourd’hui ; la civilisation américaine grandit si vite et s’étend si rapidement… Si nous ne cherchions qu’un sol fertile et une admirable nature, nous choisirions notre asile dans la vallée du Mississipi, sur sa rive droite, qui compte encore peu d’habitants ; mais les eaux du grand fleuve qui, en se débordant, fécondent les terres environnantes, sont aussi, par leur contact avec les matières végétales, la source d’exhalaisons funestes à la vie de l’homme. Nous ferons mieux de porter nos pas du côté des grands lacs, où l’on respire un air toujours pur. Le Michigan est renommé pour la salubrité de son climat ; il ne contient qu’une seule ville (Détroit), d’immenses forêts, et la nation des Indiens Ottawas. »

Le lendemain, le premier jour du mois de mai de l’année 1827, Nelson, Marie et moi remontions l’Hudson pour nous rendre à Albany, et de là à Buffaloe, petite ville située sur le bord du lac Erié. Nelson eût voulu n’emmener aucun serviteur : je désirais moi même de faire comme lui ; mais le fidèle Owasco nous demanda si instamment de nous suivre, et témoigna tant de chagrin à l’idée d’être séparé de sa bonne maîtresse, que nous cédâmes à sa prière.

Ainsi nous partîmes, chassés par la persécution et réduits à chercher un asile parmi les sauvages. Oh ! je n’accusai point alors la rigueur de mon destin. Ce départ avec l’objet aimé, les scènes ravissantes que nous offrit le fleuve du Nord sur ses deux rives, et qu’on admire si bien quand on est deux ; ce voyage aventureux vers des pays inconnus ; l’opiniâtreté même du malheur attaché à nos pas ; tout réveillait en moi l’enthousiasme et l’énergie.

À peine avions-nous fait dix milles sur l’Hudson que, portant mes regards vers New-York, cette vaste cité, naguère objet de mes illusions, et maintenant quittée sans regrets, j’aperçus dans le lointain, sur plusieurs points différents, des flammes s’élever dans les airs. « Ce sont, dit un Américain, les églises des noirs et leurs écoles publiques qu’on brûle. » Cette destruction avait été annoncée la veille. Ainsi nous voyions encore la haine de nos ennemis, quand nous