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amour-propre littéraire. Il se passe à cet égard un phénomène assez étrange ; vous n’apercevez point chez leurs auteurs de ces vanités monstrueuses, qu’on voit chez nous, compagnes de la médiocrité, quelquefois même du génie. Les écrivains ont la conscience qu’ils exercent une profession d’un ordre inférieur.

« En Amérique, ce ne sont pas les écrivains qui ont l’orgueil littéraire, c’est le pays.

« La littérature est une industrie dans laquelle les Américains prétendent exceller comme dans toutes les autres.

« Et ne croyez pas leur être agréable en leur disant que la conformité du langage rend communs aux États-Unis tous les beaux génies de l’Angleterre ; ils vous répondront que la littérature anglaise ne fait point partie de la littérature américaine.

XXXVII.

« Le caractère anti-poétique des Américains tient à leurs mœurs par de profondes racines.

« Lorsque dans ce pays on poursuit l’argent, on ne recherche point le plaisir. La religion, et plus encore d’austères habitudes, interdisent les jeux, les amusements, * les spectacles.

« Les grandes cités ont chacune un théâtre ** ; mais les riches, qui sont toujours en avant de la corruption, s’efforcent vainement de le mettre en vogue. Le spectacle n’est point, en Amérique, un plaisir populaire ; la tragédie, la comédie, la musique italienne, sont des divertissements aristocratiques de leur nature ; ils demandent aux spectateurs du goût et de l’argent, deux choses qui manquent au plus grand nombre. Les cirques et les amphithéâtres veulent une multitude à passions ; et c’est ce que l’Amérique du Nord ne saurait leur donner.

[Note de l’auteur. * et ** Réf. ]

XXXVIII.

« Si les grands théâtres y sont rares, les petits y sont inconnus. Cette absence du goût dramatique est sans doute un élément de moralité pour la société américaine qui, n’ayant pas de théâtres, ne distribue point chaque soir des moqueries