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XIII.

« Il existe, à la vérité, en Amérique quelque chose qui ressemble à l’aristocratie féodale.

« La fabrique, c’est le manoir ; le manufacturier, le seigneur suzerain ; les ouvriers sont les serfs ; mais de quel éclat brille cette féodalité industrielle ? Le château crénelé, ses fossés profonds, la dame châtelaine et le féal chevalier n’étaient pas sans poésie.

« Quelle harmonie le poète moderne puisera-t-il dans les comptoirs, les alambics, les machines à vapeur et le papier-monnaie ?

XIV.

« Aux États-Unis, les masses règnent partout et toujours, jalouses des supériorités qui se montrent et promptes à briser celles qui se sont élevées ; car les intelligences moyennes repoussent les esprits supérieurs, comme les yeux faibles, amis de l’ombre, ont horreur du grand jour. Aussi n’y cherchez pas des monuments élevés à la mémoire des hommes illustres. Je sais que ce peuple eut des héros ; mais nulle part je n’ai vu leurs statues. Washington seul a des bustes, des inscriptions, une colonne ; c’est que Washington, en Amérique, n’est pas un homme, c’est un dieu.

XV.

« Le peuple américain semble avoir été condamné, dès sa naissance, à manquer de poésie… Il y a, dans l’ombre attachée au berceau des nations, quelque chose de fabuleux qui encourage les hardiesses de l’imagination. Ces temps d’obscurité sont toujours les temps héroïques : dans l’antiquité, c’est la guerre de Troie ; au moyen-âge, les croisades. Dès que les peuples s’éclairent, il n’y a plus de demi-dieux… Les Américains des États-Unis sont peut-être la seule de toutes les nations qui n’a point eu d’enfance mystérieuse. Environnés, en naissant, des lumières de l’âge mûr, ils ont