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temples magnifiques ; quoique le positif des choses nous gagne, nous enfermons encore dans de splendides palais nos bibliothèques, nos musées, nos académies. Les esprits les plus vulgaires, les âmes les plus indolentes, rendent, chez nous, hommage au génie et à la vertu. L’homme qui a forfait à l’honneur s’incline encore, dans nos cités, devant la statue de Bayard.

« L’Amérique ne connaît point ces entraves : elle s’avance dans la voie des intérêts matériels, sans préjugés qui la gênent, sans passions qui la troublent.

VII.

« Ne cherchez, dans ce pays, ni poésie, ni littérature, ni beaux-arts. L’égalité universelle des conditions répand sur toute la société une teinte monotone. Nul n’est ignorant de toutes choses, et personne ne sait beaucoup ; quoi de plus terne que la médiocrité ! Il n’y a de poésie que dans les extrêmes : les grandes fortunes ou les grandes misères, les clartés célestes ou la nuit infernale, la vie des rois ou le convoi du pauvre.

VIII.

« Dans la société américaine, point d’ombre et point d’éclat, ni sommités, ni profondeurs. C’est la preuve qu’elle est matérielle : partout où l’âme règne, on la voit s’élever ou descendre. Au-dessus des intelligences voilées s’élancent les brillants génies ; au-dessus des âmes engourdies, les cœurs enthousiastes. Le niveau ne se fait que sur la matière.

IX.

« Le monde moral est-il donc soumis aux mêmes lois que la nature physique ? faut-il, pour que les beaux esprits apparaissent, que l’ignorance des masses leur serve d’ombre ? Les grandes individualités sociales ne brillent-elles au-dessus du vulgaire qu’à la manière des hautes montagnes, dont la cime étincelante de neige et de lumière domine des précipices ténébreux ?