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Leur peu de goût pour la poésie, pour, les beaux-arts et pour les sciences spéculatives, les favorise encore sous ce rapport. L’homme s’égare moins dans sa route, quand il ne suit ni les rapides élans de l’imagination, ni les éclairs éblouissants du génie.

Le philosophe rêveur, le savant dont les yeux sont incessamment tournés vers le ciel, celui qu’émeut une touchante harmonie de la nature, ne comprennent guère les choses pratiques de la vie.

Cette puissance de raison, cette supériorité du bon sens sur les passions, servent à expliquer l’admirable sang-froid des Américains. * Inaccessibles aux grandes joies, l’habitant des États-Unis n’est ébranlé par aucune infortune. Le coup le plus inattendu, le péril le plus imminent, le trouvent impassible. Etrange contraste ! il poursuit la fortune avec une ardeur extrême, et supporte avec calme toutes les adversités. Rien ne l’arrête dans ses entreprises ; rien ne décourage ses efforts ; il ne dira jamais en face d’un obstacle, quelque grand qu’on le suppose : Je ne puis. Il essaie, hardi, patient, infatigable. Ce peuple est jusqu’au bout fidèle à son origine ; car il est né de l’exil, et les hommes qui firent deux mille lieues sur mer à la poursuite d’une patrie avaient sans doute un fond d’énergie dans l’âme…

[Note de l’auteur. * Réf. ]

Ah ! nul plus que moi, je vous le jure, n’admire sous ce point de vue le peuple des États-Unis ; c’est cette raison, c’est ce bon sens pratique et cette audace d’entreprises qui ont enfanté l’industrie américaine, dont les prodiges nous étonnent. Voyez-vous, émules des fleuves, ces canaux dont le destin est de réunir un jour la mer Pacifique à l’Océan ; ces chemins de fer, qui se glissent dans le flanc des montagnes, et sur lesquels la vapeur s’élance plus puissante et plus rapide que sur la surface unie des eaux ; ces manufactures qui surgissent de toutes parts ; ces comptoirs qu’enrichit le commerce de toutes les nations ; ces ports où se croisent mille vaisseaux ; partout la richesse et l’abondance : au lieu de forêts incultes, des champs fertiles ; à la place des déserts, de magnifiques cités et de riants villages, sortis du sol par je ne sais quelle magie, comme si la vieille terre d’Amérique, si long-temps barbare et sauvage, était grosse enfin d’un avenir