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sans avoir ma tendresse, tu me donneras ton amour : la femme, à ce discours, sent sa misère, cache ses larmes, et se résigne. Mais quand l’homme lui promet de l’aimer seule, alors elle fait un rêve de bonheur, et est plus malheureuse : car l’homme sera perfide. « Plaignez Onéda : elle aimait Mantéo, l’insensée ! Mantéo ne l’aimait pas.

« Si l’homme connaissait ce qui se passe dans le cœur d’une femme, s’il savait que cette créature tendre et faible a besoin de force et d’amour, et que l’inconstance de l’être qu’elle chérit lui inflige d’affreux tourments !… Mais l’homme ne songe point à cela ; d’autres soins l’occupent ; il faut qu’il devienne un chasseur fameux ou un grand guerrier. Tandis qu’il parcourt les savanes, la pauvre Indienne demeure dans son chagrin et dans son isolement. « Plaignez Onéda : elle aimait Mantéo, l’insensée ! Mantéo ne l’aimait pas.

« Lorsque je quittai la tribu des Miamis pour entrer dans la hutte de mon époux, c’était au milieu de la lune des fleurs ; la forêt était pleine de voix touchantes et de tendres murmures ; je sentais en moi-même une ardeur secrète ; une étincelle eût suffi pour embraser tout mon être… mais j’ai trouvé une âme froide, et le feu d’amour s’est éteint dans mon cœur. « Plaignez Onéda : elle aimait Mantéo, l’insensée ! Mantéo ne l’aimait pas.

« Pourquoi pleurer Onéda ? Elle n’est plus sur la terre ; mais elle vit au ciel ; là, elle est aimée d’un guerrier brave, hospitalier, généreux, qui la chérit sans partage ; elle habite une contrée fertile, délicieuse, où le nombre des chevreuils égale celui des herbes de la prairie qui borde la Saginaw. Les lacs n’y sont jamais glacés par les hivers, ni l’eau des fontaines tarie par les étés brûlants.