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avait éprouvé une profonde sympathie pour le malheur des Indiens, ne put, à la nouvelle de ces événements, contenir l’ardeur de son zèle. « Ces malheureux, s’écria-t-il, trouveront quelques sentiments de pitié dans la Nouvelle-Angleterre ; mais aucun habitant du Sud ne les secourra contre l’oppression : une faible distance me sépare d’eux ; je leur dois mon appui ; j’irai soutenir leurs droits, et saurai si la justice et la loi sont devenues de vains mots dans un pays où jadis elles régnaient en souveraines. »

Nelson passa aussitôt dans la Virginie, et de là dans le pays des Chéroquis, laissant Georges auprès de Marie. Il gagna d’abord la confiance des Indiens en leur parlant de religion, et tenta de se faire entendre des Géorgiens en tenant le langage de la raison et de l’équité. Ses paroles eurent de la puissance sur les uns et sur les autres ; elles animèrent les Chéroquis à la défense de leurs droits, et firent chanceler les convictions de plusieurs Américains, jusque-là fort ennemis des indiens, et qui soupçonnèrent pour la première fois que leur haine était aussi injuste que cruelle. Cependant le plus grand nombre des Géorgiens s’endurcit dans ses instincts cupides ; et la conduite de Nelson les irrita tellement, que la législature, se faisant l’instrument de leurs passions, ordonna que le ministre presbytérien fût jeté dans une prison, comme fauteur de guerre civile. Cette violence excita une grande rumeur parmi les Indiens et leurs partisans. Un régiment de l’armée des États-Unis fut envoyé par le président pour prêter main-forte à l’arrêt de la suprême cour, dont les Géorgiens méconnaissaient l’autorité. Ceux-ci, de leur côté, bravant le gouvernement fédéral, convoquèrent leurs milices ; et tout annonçait une violente et prochaine collision, lorsque, cédant, soit à un sentiment de crainte, soit à l’ennui d’une existence sans cesse troublée par la chicane et la mauvaise foi, la moitié des Chéroquis se résolut à l’exil, et, sans formalité, livra aux Américains les terres, objet de leur convoitise. Après une détention de deux mois, Nelson fut tiré de son cachot : il revint aussitôt à Baltimore, se ressouvenant peu des traitements barbares qu’il avait subis, mais le cœur pénétré des infortunes qu’il avait vues, et dont il avait inutilement tenté d’adoucir la rigueur. Dès le retour de Nelson à