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lorsqu’elle en fut à l’endroit où il lui dévoilait, son propre cœur, les forces lui manquèrent, elle fut forcée de s’asseoir, et ses yeux se remplirent d’une telle abondance de larmes, qu’elle ne put sitôt achever la lecture de cette lettre fatale. Elle levait de tems en tems ses beaux yeux vers le ciel, d’une manière si douloureuse, qu’Armire en fut attendrie, et se serait montrée pour la consoler, si elle n’eût craint d’augmenter sa confusion. Laure avait jeté la lettre sur la table avec un mouvement de frayeur, elle la reprit d’une main tremblante ; et, après l’avoir achevée, elle se précipita, pour ainsi dire, à genoux, et remercia Dieu de lui avoir fait connaître son erreur, dans un tems où elle était encore en état de la guérir. Comme elle se croyait seule, elle ne gênait pas le ton de sa voix, en sorte qu’Armire ne perdit pas une seule de ses paroles. Oh ! Dieu, disait-elle ; que serais-je devenue, si je n’avais rencontré le plus vertueux de tous les hommes ! Oh !