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droit de régner seule dans son ame. Quelle vue pour une ame vertueuse ! mais le tourment qu’elle lui fit souffrir n’était que le prélude de ceux qu’il devait éprouver. En jetant les yeux sur ce qui s’était passé entre lui et Laure, il reconnut en frémissant que cette innocente fille, partageait les sentimens qu’elle lui avait inspirés. Il avait donc troublé, et, peut-être pour toujours, la paix dont jouissait ce cœur vertueux et tranquille : quelle source de remords et de craintes ! Alindor ne se fit, point illusion sur ce qu’il avait à craindre de leurs sentimens mutuels : une prompte fuite pouvait seule les arracher au péril ; il s’y détermina. Il rentra chez Armire, si changé, qu’il l’effraya ; et, comme elle ouvrait la bouche pour lui demander ce qu’il avait, il la prévint, et lui dit, qu’il ne lui conseillait pas de garder Laure auprès d’elle ; que ses compagnes, jalouses du nouvel état dans lequel elle allait entrer, la puniraient de ses bontés pour elle par des reproches ; qu’il conviendrait