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quoi se déterminer, il feignit un besoin, de sortir de l’appartement de son épouse, et ce fut d’une manière si mal-adroite, qu’il excita ses soupçons : sa longue absence la confirma dans l’idée qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire dans l’ame d’Alindor. Trop prudente pour lui laisser entrevoir qu’elle eût remarqué son trouble, elle sortit elle-même de son appartement sous un prétexte spécieux, et lui laissa tout le tems nécessaire pour se remettre de son émotion.

Alindor était trop occupé de ses pensées, pour s’apercevoir du motif de l’absence d’Armire ; il s’enfonça dans un bosquet pour examiner en juge sévère les replis de son cœur, et, ce qu’il y découvrit, faillit à le faire mourir de honte et de douleur. Il aimait Laure avec cette ardeur qu’on ne ressent qu’une fois dans sa vie, et qui accompagne toujours une première passion ; il était donc coupable d’ingratitude envers l’épouse qu’il s’était acquise par ses vertus et ses bienfaits, le