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de cette querelle : il se rappelait bien de l’avoir vue dans son enfance ; mais la pauvreté de Ses habits, et la négligence de son ajustement, avaient voilés ses charmes naissans, et il fut ébloui, lorsqu’elle parut en sa présence. Alindor ignorait les surprises de l’amour : une tendre reconnaissance l’attachait si fortement à son épouse, qu’il se croyait à couvert d’une passion aussi contraire à l’honneur, qu’à ce qu’il devait à cette vertueuse femme. Il regarda donc l’intérêt qu’il prit au sort de la belle Laure, pour un sentiment louable, que devait exciter la situation de cette fille infortunée, dans tous les cœurs amis de l’humanité. Il l’interrogea avec bonté, et n’en put tirer d’abord que des monosyllabes, tant sa timidité l’avait saisie ; mais, bientôt rassurée par l’intérêt qu’il paraissait prendre à son sort, elle lui montra tant d’esprit, et un si grand désir de savoir qu’il regarda comme un devoir, le soin de réparer l’injustice du sort à son égard, et,