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était restée sans ressource. Cette jeune fille, malgré la pauvreté de ses habits, était éblouissante, et paraissait plus faite pour orner les cités, que pour vivre dans l’obscurité où le sort l’avait réduite ; elle se nommait Laure ; son occupation ordinaire était de garder les bestiaux de son bienfaiteur ; et, quoiqu’elle ne connût pas d’autre état que le sien, son imagination n’avait pas manqué de lui peindre, avec les plus vives couleurs, les avantages qu’elle aurait retirés d’une éducation plus conforme à sa naissance. Ces idées se développant à mesure qu’elle avançait en âge, lui faisaient regarder comme le plus grand malheur l’ignorance à laquelle elle était condamnée, et, soumise à une pauvreté qui ne lui aurait laissé aucune ressource, si elle eût perdu les bonnes gens qui lui partageaient leur nécessaire, elle en eût sacrifié de bon cœur la moitié pour apprendre à lire. La concierge du château d’Armire était la seule, dans le hameau où elle habitait, qui sût lire ; elle la