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fallait pour s’assurer du bon emploi de ses grands biens : elle eut souhaité pouvoir lui en donner la possession par toute autre voie que par celle du mariage, que la disproportion des âges rendait ridicule : cela étant impossible par les dernières dispositions de la mère, elle se crut assez philosophe pour mépriser les railleries dont elle allait devenir le sujet, et ne s’aperçut pas que l’amour donnait de nouvelles forces à sa philosophie ; car, enfin, Armire était femme, et la vertu, ne ferme pas l’entrée du cœur à une passion tendre, quand elle se présente voilée de motifs honnêtes, spécieux, et qu’elle peut, aboutir à une union légitime.

Alindor avait l’ame trop noble pour se vendre lui-même ; ce ne furent point les grandes richesses d’Armire qui le déterminèrent à accepter l’offre qu’elle lui fit de sa fortune et de sa main ; et, quoiqu’il fût flatté d’une situation qui le mettrait en état de suivre les penchans de son cœur généreux, il n’aurait pas hésité