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maîtresse du choix. Un homme de cinquante ans, fort riche, qui estimait et respectait sa délicatesse, s’offrit de la prendre sans dot : cette preuve de désintéressement lui fit obtenir la préférence ; il passa cinq années avec elle dans l’union la plus parfaite, et la laissa veuve à vingt-cinq ans. La mère d’Armire survécut peu après son gendre ; et, comme la passion de cette dame était la postéromanie, elle ôta à sa fille la propriété de son bien, en cas qu’elle voulût rester veuve, et appela pour lui succéder des collatéraux dont Armire avait sujet de se plaindre, persuadée que la crainte de voir passer un si riche héritage à des gens qu’elle ne pouvait aimer, la forcerait à de secondes nôces. Cette dame connaissait peu sa fille. Armire avait le cœur droit, l’esprit juste, mais borné. Le christianisme étendit ses lumières : ceux qui en connaissent les devoirs et qui les pratiquent, ont toujours l’à-propos que les passions dérangent, et Armire n’est pas la seule à qui on a soup-