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sont aveugles, lorsqu’ils veulent percer le voile que la divine Providence a jeté sur l’avenir ! Qu’ils sont insensés lorsqu’ils croient pouvoir éviter les maux qui leur sont destinés ! Les précautions qu’on prend pour se soustraire aux malheurs futurs, les occasionnent le plus souvent : vous en allez juger par ce que je vais vous dire.

Après vous avoir perdue de vue, j’attendis avec beaucoup d’impatience le premier jour de l’an, flottant entre la crainte et l’espérance. Il vint enfin ce jour si désiré ; jugez de mon désespoir, lorsque je découvris que j’étais menacé d’avoir les deux jambes cassées, de perdre mes biens, et le peu de bon sens que j’avais avant la fin de l’an. Comme le premier de ces malheurs m’était annoncé pour le premier mois de cette malheureuse année, je résolus de le prévenir, en ne bougeant de mon lit. J’abandonnai le soin de toutes mes affaires ; et, pour tout au monde, je n’aurais pas voulu sortir de ma place. Le septième jour, lorsque ma femme et mes domes-