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dame avait éprouvé de grandes agitations. À la fin son bon naturel l’emporta sur son ambition ; elle appela ses femmes, et leur commanda de prier son époux de passer chez elle. À peine fut-il entré qu’elle lui dit : Je vous demande pardon, monsieur, de vous avoir abusé jusqu’à ce jour, en me faisant descendre d’une famille noble à qui je n’appartins jamais. Née parmi les derniers du peuple, je gagnais ma vie au moyen d’un travail pénible et assidu. Un petit service que je rendis à celle qui paraît à vos yeux sous la figure d’une vieille femme méprisable, me valut sa protection. Elle me rendit maîtresse des biens immenses qui m’ont fait parvenir au rang de votre épouse ; mais, monsieur, je ne méritais pas ce rang, puisque j’ai eu la faiblesse de méconnaître ma mère, et d’en rougir à vos yeux. Souffrez que je vous la présente, et pardonnez—moi le défaut de confiance que j’ai eu pour vous jusqu’à ce jour. Elle avait pris sa mère par la main en finissant ce discours ; et son mari, qui