Page:Beaumont - Contes moraux, tome 3, Barba, 1806.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(56)

neur de lui demander sa soupe ; après quoi il sortit, fit une inclination de tête à la prétendue nourrice, et lui mit un écu dans la main. À peine fut-il hors de la chambre, que cette femme ne put s’empêcher de dire à sa fille, en pleurant : voyez, mon enfant, à quoi vous me réduisez ! n’est-il pas bien dur pour moi de faire un tel personnage, et de recevoir l’aumône de la main de mon gendre, dans sa propre maison ? Vous abusez certainement de ma tendresse pour vous, et je suis bien folle, après tout, de me prêter aux sots ménagemens qu’exige votre orgueil. Hé ! pourquoi vous affligez-vous, ma mère, lui dit cette fille ? Pouvez-vous douter de ma tendresse ? Vous ai-je jamais laissé manquer de rien ? Je m’embarrasse fort peu de vivre dans l’abondance, dit la bonne femme. J’étais mille fois plus heureuse dans la pauvreté. J’avais du moins une fille qui ne rougissait point de me reconnaître, qui me donnait ses soins. Je l’ai perdue, cette fille, conti-