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Elle s’avança vers ce lieu, où elle aperçut Biendisant, qui tenait le haut bout à une table environnée de six convives, qui mangeaient et parlaient comme des auteurs, c’est-à-dire, sans se donner un moment de relâche. Quelquefois, Biendisant ouvrait la bouche, alors il se faisait un silence subit ; on l’écoutait avec attention, on applaudissait à ce qu’il venait de dire, et la cohue recommençait aussitôt. Ô siècle ! ô mœurs ! s’écria l’un de ces auteurs ; le mérite gémît dans la poussière ; la pauvreté, le mépris, semble être l’apanage des personnes savantes ; et, à peine entre vingt auteurs, en peut-on nommer un, qui n’ait pas à se plaindre de la fortune. Le mépris qu’on a pour les savans, répondit un autre, d’un ton de prophète, est un présage certain de la décadence des beaux arts ; et on peut assurer, si cela continue, que la France est prête à retomber dans la barbarie, où elle a gémi pendant tant de siècles. Vous êtes dans l’erreur, dit à son