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vivre aucun, et croyez que Dieu a de bonnes raisons quand il nous ôte les choses auxquelles nous sommes les plus attachés. Mon père (Dieu veuille avoir son ame), mon père, dis-je, qui n’était pas un sot, me répétait souvent que toutes les choses de ce monde iraient pour le mieux, si les hommes ne s’avisaient pas de vouloir y retoucher. Il me contait, qu’un jour un paysan se mêla de trouver à redire à la manière dont Dieu avait arrangé les choses : voyez ce grand arbre, disait-il en lui-même, en regardant un chêne ; n’est-ce pas une honte qu’il ne porte qu’un fruit gros comme le pouce, pendant qu’une chétive racine succombe sous le poids de la citrouille qu’elle produit ? Si j’eusse été chargé de l’arrangement de l’univers, j’eusse mieux proportionné les choses ; la citrouille pendrait au chêne, et le gland se soutiendrait à merveille sur la racine citrouillère. Après ce beau colloque, le manant se coucha à l’ombre d’un chêne, et s’endormit : il faisait beau-