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nées se sont rapidement écoulées ; et une maladie funeste, en m’enlevant tout-à-coup mes charmes, m’a rendue la fable de toutes les personnes que ma fierté et le changement de mes mœurs avaient indignées contre moi. Je n’ose plus paraître dans ces compagnies, dont je croyais faire tout l’agrément il y a quelques mois. Chacun se fait un mérite de me faire sentir que la solitude est le seul parti qui me convienne. Qu’elle se fasse religieuse, dit-ton, ou qu’elle se marie à quelque cadet de Gasgogne, à qui sa dot fera vaincre de dégoût qu’elle inspire. J’ai voulu suivre le premier de ces conseils ; mais, madame, la solitude qui faisait autrefois mes plus chères délices, m’est devenue insupportable. Mon esprit, ce me semble, s’est rétréci à force de s’être occupé de bagatelles : j’ai perdu le goût du bon, de l’utile. Si je prends un livre, je baille, il me tombe des mains, je m’endors. Je regrette le jeu, les spectacles ; en un mot, je suis la plus malheureuse