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que la difformité de mes traits qu’on me reprochait sans cesse, me fit croire que j’étais la plus malheureuse de toutes les créatures. J’avais une gouvernante qui avait beaucoup de mérite. Comme elle me voyait le rebut de ma famille, elle s’attacha à moi plus particulièrement qu’à mes sœurs qui, caressées de tout le monde, se montraient moins dociles. Ma chère enfant, me disait-elle quelque-fois, pourquoi vous affligez-vous d’un mal imaginaire ? il n’est pas nécessaire d’être belle pour être aimable, et il ne tiendra qu’à vous de l’emporter sur vos sœurs, en acquérant une espèce de mérite, que les maladies et les années ne pourront vous ôter. À force d’entendre répéter la même leçon, je fus curieuse de savoir quelle était cette espèce de mérite que ma gouvernante me vantait sans cesse, qui, selon elle, suppléait à la beauté, et que les grâces extérieures ne pouvaient remplacer : je m’abandonnai totalement à sa conduite ; et, par ses