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bane où logeait le couple charitable qu’elle avait enrichi. Un équipage leste était à la porte, avec un grand nombre de chevaux, de chiens, et de véneurs. À qui appartient ce palais ? demanda la fée, qui avait pris la figure d’une jeune fille mal vêtue, et couverte d’ulcères. Celui qui demeure dans ce château, lui répondit un vieillard, fut autrefois un de nos égaux. Nous n’avons jamais pu comprendre par quel enchantement il est tout-à-coup devenu riche ; mais nous concevons encore moins comment les richesses ont pu produire en lui un changement aussi subit. Le marquis de Durcy, dans le tems qu’il n’était qu’un pauvre bucheron, se faisait adorer de tous ses voisins ; il était doux, charitable, bienfaisant ; mais, depuis qu’il est devenu grand seigneur, ce n’est plus la même chose. Il est si fier, qu’à peine nous osons le regarder ; et, tandis qu’il dépense des sommes immenses pour nourrir des domestiques, des chiens, des chevaux, il verrait, sans pitié, ses