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pêcherait de les goûter. Effectivement, dit la fée, votre situation est singulière : les hommes, pour l’ordinaire, ne cherchent à pénétrer dans l’avenir que pour y trouver une situation plus douce que celle dont ils jouissent ; et l’espérance de cet avenir plus heureux, a le pouvoir d’adoucir la situation présente des plus grands malheureux. Je ne puis m’empêcher, dit cet homme, de regarder l’incertitude dans laquelle nous vivons pour l’avenir, comme une des plus grandes misères de la condition humaine. Nous marchons ici-bas comme à tâtons ; environnés de précipices, les pas que nous faisons pour les éviter, nous y conduisent le plus souvent. L’homme serait moins à plaindre s’il voyait d’un coup-d’œil les malheurs dont il est menacé pendant le cours de sa vie : il saurait sur quoi compter, et pourrait prendre des mesures pour les éviter ou les réparer. Je ne sais, dit la fée, si ce moyen serait bien propre à rendre l’homme heureux ; toutefois il ne tiendra qu’à vous d’en faire