Page:Beaumont - Contes moraux, tome 3, Barba, 1806.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(25)

places. Il prit envie à la fée d’être du voyage : l’usage lui permettait de s’associer avec cet homme ; car, dans ces sortes de voitures, on se met sans façon auprès du premier venu ; on se parle comme si on se connaissait depuis long-tems, et l’on s’oublie entièrement en mettant pied à terre. Bienfaisante ne fut pas long-tems sans s’apercevoir que son compagnon de voiture avait du chagrin ; il soupirait souvent, et ne répondait à ce qu’elle lui disait, qu’avec des distractions qui prouvaient qu’il était occupé de quelque chose qui lui tenait au cœur. Vous me paraissez rêveur, lui dit la fée ; oserais-je vous demander ce qui vous occupe. Ma demande paraît indiscrète ; mais le cœur me dit que je puis quelque chose pour votre soulagement. Cet homme, l’ayant regardée en souriant, lui dit : Vous seriez bien habile si vous pouviez me rendre ma tranquillité : je veux bien vous avouer que ma tristesse a sa source dans une cause si ridicule, que je n’ai jamais eu le courage de la dé-