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dans la même maison, et que, jetant les yeux dans la chambre qui était opposée à la sienne, elle aperçut Angélique qui l’embrassait. C’était la première fois que ce transport échappait à cette belle fille, en faveur d’un homme qui lui avait persuadé qu’il était son père ; et le motif de cet attendrissement était la pensée de le perdre presqu’au moment qu’elle l’avait connu ; car elle s’était fortement déterminée à entrer dans un cloître, pour n’en sortir jamais. À cette vue, la fureur s’empara du cœur de cette femme ; malheureusement elle avait encore le poignard dont elle s’était servie pour forcer sa fille à prendre l’opium qu’elle croyait devoir lui ôter la vie ; elle le destina à une double vengeance. S’étant habillée, elle cacha ce poignard dans son manchon, et entra dans l’allée qui conduisait à la chambre où elle avait vu sa fille. Elle y arriva au moment où le marquis y entrait : la femme du chirurgien était baissée vers le feu, où elle faisait du chocolat. Duménil,