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comme le plus austère anachorète, je ne demanderais rien davantage : j’aime le travail, et toute mon ambition se borne à m’y livrer sans distraction ; mais je sèche sur pied de me voir destiné tout le jour à corriger les sottises d’autrui, sans pouvoir y trouver à redire.

Pendant que Biendisant soulageait sa douleur par ses plaintes, Bienfaisante se livrait à ses réflexions. Est-il possible, disait-elle, qu’au milieu d’une ville où régne le goût, un homme d’un mérite solide soit oublié, réduit à une situation misérable, et que ses talens restent ensevelis, faute de trouver une main qui le tire de la poussière ? C’est pour soulager le mérite indigent que le ciel m’a fait dispensatrice de ses dons : hâtons—nous de les répandre. Les fées ne font jamais d’inutiles souhaits : à peine Bienfaisante avait-elle achevé de faire le sien, que le taudis de Biendisant prit une autre face. Les misérables meubles dont j’ai fait le détail, disparurent, et firent place à un ameublement simple,