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Duménil, était capitaine dans le régiment D…, c’était un de ces hommes qui, malgré le libertinage, conservent l’estime pour la vertu. Ma mère, qui lui raconta ce qui s’était passé à Paris, fut fort choquée des louanges qu’il donnait à ma fermeté, et, comme il l’excitait de tems en tems à lui permettre de me mettre dans un couvent, où il paierait ma pension, elle se persuada qu’il m’aimait, du moins me l’a-t-elle reproché. La jalousie éteignit en elle ce qui lui restait d’amour maternel ; elle partit brusquement, et vint ici, où elle se logea dans un faubourg. Le soir de notre arrivée, elle entra dans ma chambre avec un visage où la haine et la jalousie étaient peintes. Il faut mourir, fille indigne, me-dit-elle, en me présentant un poignard d’une main, et une coupe d’une liqueur noirâtre de l’autre. Je n’oubliai rien pour la fléchir, tout fut inutile : je n’eus qu’un instant pour me recommander à Dieu, et j’avalai ce poison. Bientôt je fus saisie d’un grand assoupis-