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sur moi à la dérobée des regards attendris. Il trouva même le moment de me dire : courage, jeune héroïne ; votre vertu triomphera. Il parla ensuite à ma mère avec beaucoup de sagesse, et la conjura de cesser la persécution qu’elle me faisait. Vous l’avouerai-je, monsieur ? avec un cœur disposé à la tendresse, je me persuadai que cet homme pouvait être celui que le ciel avait destiné à être mon libérateur, et il me semblait que j’eusse été charmée de lui devoir ma fortune. Ma mère combattit ses raisons avec beaucoup de chaleur : elle se radoucit peu à peu, et finit par ces paroles équivoques qui n’engagent à rien ceux qui les disent, et qui laissent quelqu’espoir à ceux qui les entendent : je verrai ; peut-être. Le chevalier (car il portait une croix) revint le lendemain, et trouva l’occasion de me parler en particulier. Dans cet entretien, il acheva de me tourner la tête. Il me parlait de la vertu, du bonheur dont jouissent ceux qui ne s’en écartent jamais,