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Ma mère voyait avec plaisir le moment où ses projets allaient se réaliser, et se servait de tout pour en accélérer le succès. Elle prit un fiacre au sortir de l’Opéra, et, me dit, en me faisant remarquer les carrosses brillans dont nous étions environnées : Si Angélique suit mes conseils ; elle aura, avant qu’il soit peu, une voiture semblable. J’étais fatiguée, et priai ma mère de me permettre de me coucher de bonne heure. J’avais eu soin de me pourvoir d’une bougie. Je priai la cuisinière, qui aidait à me coucher, de l’allumer, et de n’en rien dire à ma mère. Elle me le promit, et tira même exactement les rideaux de mon lit, pour empêcher qu’on ne vit la lumière. À peine fut-elle sortie, que j’ouvris mon livre : c’était la Marianne de Marivaux. Je dévorai la moitié du premier volume ; mais, quand je fus à l’endroit où la vertueuse sœur du curé l’exhorte à conserver sa vertu, et à se souvenir du mépris qu’ont les hommes pour une fille qui a perdu ce précieux