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qui ne valent pas la peine, d’être lus.

Ces paroles, qui auraient dû ralentir ma curiosité, l’excitèrent ; je ramassai ce livre furtivement ; je le mis dans ma poche, et l’envie que j’avais de le lire, m’empêchait de me livrer au plaisir de la toilette. Je le cachai dans un coin de ma chambre, bien résolue de ne point me coucher sans l’avoir lu. Le reste de la journée fut employé à m’habiller, et, sur les quatre heures, nous fûmes au Palais-Royal.

Quel coup-d’œil pour une fille de treize à quatorze ans, qui le voit pour la première fois ! Je dévorais des yeux la parure brillante des femmes, auprès de laquelle la mienne était éclipsée. Ma mère, attentive à mes mouvemens, gémit de n’être point en état de m’en procurer une pareille. Puis elle ajouta, qu’avant qu’il fût peu, je pourrais effacer, si je voulais, tout ce que je voyais de magnifique. Cependant je fixais les regards des hommes, et même ceux des femmes ; je devinais qu’on me