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si je n’aurais pas élevé ma voix pour dire à ces personnes qu’elles faisaient un jugement faux. Ma mère qui entra dans le moment m’en empêcha. Venez m’embrasser, Angélique, me dit-elle, pour le beau présent que je vous apporte. C’était un ajustement complet, extrêmement galant ; je sautai de joie en le voyant, et j’embrassai dix fois ma mère ; elle m’avertit alors que je souperais avec elle : il y aura des étrangers, ajouta-t-elle ; souviens-toi, ma chère Angélique, que les hommes ne nous estiment, qu’à proportion qu’ils nous croient sages et modestes : ainsi, comporte-toi avec beaucoup de retenue ; parle peu, et ne lève pas trop les yeux. Cette leçon m’était bien inutile : la timidité suffisait pour me faire pratiquer ce qu’on m’ordonnait, et je surpassai l’attente de ma mère. Il y avait plusieurs cavaliers à ce souper ; et, pendant trois jours, je vis toujours de nouveaux visages ; on me faisait chanter, on m’interrogeait ; je répondais des naïvetés qui faisaient