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mauvais exemples de ma mère auraient de bonne heure corrompu mon cœur ; heureusement les vues qu’elle avait sur moi, lui firent prendre autant de soin de m’élever dans l’innocence, qu’on en aurait pu espérer de la femme la plus vertueuse. Elle voyait fuir l’âge des plaisirs et de l’abondance, et comptait sur mes charmes naissans pour les fixer auprès d’elle. Paris était le théâtre où elle avait dessein de me produire ; il convenait à ses desseins que j’y portasse un cœur vide, et une sagesse qui pût me mettre à un plus haut prix : voilà le motif de la réserve avec laquelle elle m’éleva.

J’étais dans ma treizième année, lorsque nous partîmes pour Paris. Ma mère avait pris depuis long-tems toutes les mesures propres à faire réussir son dessein, et avait amassé une somme considérable pour pouvoir vivre quelque tems inconnue dans cette grande ville, avant de m’y produire. Elle ne m’épargna point les maîtres dont les soins pouvaient servir, à cultiver les