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fut dépêchée en un instant, aussi bien qu’un énorme morceau de bœuf à la mode. Cet homme, étant un peu rassasié, rompit le silence qu’il avait observé fort religieusement, et dit à la vieille : vous êtes, sans doute étonnée, madame, de mon appétit ; mais je ne fais qu’un repas en vingt-quatre heures, et je le fais bon quand je puis. Bienfaisante ne put s’empêcher de rire de la franchise de cet homme, et lui demanda quelle était sa profession. Hé ne la devinez-vous pas à ma figure, lui répondit-il, en fourrant ses mains dans un manchon pelé qu’il avait quitté pour dîner ? Je suis auteur, pour mes péchés, madame. Je ne me serais jamais imaginé que ce talent ne fût pas suffisant pour faire vivre celui qui le possède, lui dit Bienfaisante ; ne vous procure-t-il pas des ressources gracieuses, des connaissances honorables et utiles ? Il y a auteurs et auteurs, répartit cet homme. Je n’ai pas assez de talent pour produire ces ouvrages brillans qui