Page:Beaumont - Contes moraux, tome 3, Barba, 1806.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(148)

avaient détruit plus de la moitié de son régiment. Sa valeur était d’autant plus estimable, que ce n’était point par goût qu’il suivait les enseignes de Mars : la vie qu’un sage peut mener dans une solitude où l’étude et la bienfaisance se succèdent tour-à-tour, faisait l’objet de ses désirs. Ceux de son père avaient été de le voir s’avancer dans le service où il l’avait fait entrer fort jeune. Villemond lui sacrifia son goût sans perdre le sien, et, à vingt-trois ans, avait acquis une réputation où l’on parvient à peine après trente années de service. Son père étant mort, la marquise, sa mère, souhaita passionnément de le rappeler auprès d’elle ; il lui eût obéi sur-le-champ, s’il eût écouté son goût ; mais la guerre paraissait prochaine, et il crut ne pouvoir, sans manquer à son roi, quitter le service dans un tems où il avait besoin de son bras. Il attendait la paix avec l’impatience d’un sage qui veut jouir de lui-même, et faisait la guerre avec la vivacité d’un ambitieux qui eût